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16 janvier 2015 5 16 /01 /janvier /2015 20:54

Le T.N.G. sort des textes forts de l’oubli


Par Trina Mounier

Les Trois Coups.com


Avec le lancement par le ministère de la Culture et de la Communication à l’été 2014 de La Belle Saison avec l’enfance et la jeunesse, c’est tout le domaine du spectacle jeune public, pourtant déjà très vivant, qui se trouve officiellement dynamisé.

belle-saison-300 Dans la masse des propositions artistiques qui sont nées ici ou là en France, prouvant le dynamisme, la diversité et la créativité de tous ceux qui œuvrent dans ce champ, le T.N.G., sous l’impulsion d’Anne Robin, responsable du projet, s’est lancé dans un projet très original : sortir de l’oubli des textes inédits mais conservés avec soin dans les cartons de six éditeurs pour la jeunesse (Espaces 34, Lansman éditeur, éditions Théâtrales, L’Arche éditeur, L’École des Loisirs, Actes Sud-Papiers).

Trente-six textes choisis par ces éditeurs ont donc été soumis à un jury de treize personnes de la région (auteurs, dramaturges, metteurs en scène, universitaires, journalistes, comédiens, bibliothécaires, personnalités du monde de l’éducation…) en octobre dernier.

Ce jury vient de rendre ses choix. Il a sélectionné onze textes à jouer qui seront confiés à onze metteurs en scène rhônalpins (parmi lesquels l’ancien directeur du T.N.G., Nino d’Introna, et le nouveau, Joris Mathieu, ainsi que le directeur de la Comédie de Saint-Étienne, Arnaud Meunier). Ces textes seront mis en voix sur le plateau du T.N.G. les 8, 9 et 10 avril 2015, notamment grâce à la participation des élèves de la Comédie de Saint-Étienne.

Un langage de vérité pour la jeunesse

La richesse et la qualité de ces textes d’auteurs aussi différents et renommés que la Canadienne Suzanne Lebeau ou le Français Fabrice Melquiot sont évidemment au rendez-vous. Ce qui a beaucoup frappé et questionné le jury et n’était pas forcément attendu, ce sont les thèmes traités par ces textes. L’ancrage social est toujours fort, même pour les pièces prévues pour les tout-petits, et les problématiques pour les plus grands sont très contemporaines, traitées avec réalisme et souci de parler juste. Le racket, les migrants, l’inceste, sont autant de questions que les auteurs ont souhaité évoquer avec les jeunes sans jamais édulcorer. Bien entendu, cela a fait l’objet de nombreux débats au sein du groupe : a-t-on le droit de présenter tels quels des textes aussi durs ? Les membres du jury ont pesé toute leur responsabilité, et certains de ces textes seront dans un premier temps soumis à un public d’éducateurs et d’adultes impliqués dans le spectacle pour le jeune public.

Cette sélection, courageuse, est certes un signe des temps, et ce n’est pas très joyeux. Mais on peut aussi y voir la volonté de traiter les jeunes comme des personnes à part entière, capables de se saisir de questions qui, de toute façon, à l’heure d’Internet, ne leur sont plus étrangères. En osant parler de thèmes sensibles, on prend le pari du dialogue. Et cela est incontestablement un progrès. 

Trina Mounier


Lectures sur un plateau

La Belle saison avec l’enfance et la jeunesse

Théâtre Nouvelle Génération / C.D.N. de Lyon

2, rue de Bourgogne • 69009 Lyon

04 72 53 15 15

www.tng-lyon.fr

www.bellesaison.fr

https://vimeo.com/107473299

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4 décembre 2014 4 04 /12 /décembre /2014 20:58

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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 21:51

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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 16:14

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30 novembre 2014 7 30 /11 /novembre /2014 15:58

Pipé d’emblée


Par Trina Mounier

Les Trois Coups.com


On ne fait pas du bon théâtre (ni de la danse) avec de bons sentiments, ni pour défendre une cause aussi légitime soit-elle.

huntington-615 r-etienne-item Certes Bons baisers de Huntingtonland prenait place, non dans un festival de théâtre, mais dans un de ces grands week-ends dont Les Subsistances se sont fait une spécialité, articulée autour d’un thème et généralement dédiée au débat d’idées. Cette fois-ci, il s’appelait « Mode d’emploi ». Ajoutons pour être loyal que le titre était explicite (la maladie de Huntington, rare, est tout ce qu’il y a de plus officielle, référencée et considérée par le corps médical comme héréditaire, dégénérative – évolutive diront les membres du collectif Dingdingdong – et inguérissable). Reconnaissons aussi qu’à y regarder de plus près, le collectif responsable de cette pièce s’était formé pour « constituer un savoir sur cette maladie, savoir coproduit par les personnes concernées ». Pourtant, Bons baisers de Huntingtonland était annoncé comme un spectacle théâtre/danse à part entière.

Personnellement, je déteste le procédé qui prend le public en otage aux bons sentiments et dans les rets de la culpabilité du bien-portant pressé de poursuivre son chemin. L’expérience artistique est pipée d’emblée.

Essayons néanmoins de porter un jugement sur la prestation de Dingdingdong. Quelques bons points : la beauté du décor, tout en blanc, avec à jardin une longue table recouverte d’ordinateurs (la science est en accusation, mais on en maîtrise les découvertes…) et quatre personnes qui disent le propos du collectif. Devant la table, posé à terre, un ordinateur portable ouvert. Au lointain, un grand écran accueillera une projection vidéo, un portrait en mouvements d’un homme frappé de cette affection. C’est précisément le mouvement qui est atteint dans la maladie de Huntington, c’est du moins ce que l’on peut le mieux observer… et reproduire, ce que fera la danseuse et chorégraphe Anne Collod. Devant cet écran blanc, une montagne de petites billes de polystyrène sera assez ingénieusement utilisée pour évoquer diverses expériences sensibles. Soulignons aussi un travail des lumières assez réussi.

Spectacle ou foire aux idées ?

Force est de dire que, si la comédienne Aurore Déon tire assez sobrement son épingle du jeu – quoique son rôle de personne atteinte ait pu l’amener vers un pathos qu’elle évite soigneusement –, Anne Collod, elle, si elle imite de manière irréprochable les gestes du malade, propose d’autres passages chorégraphiés peu maîtrisés techniquement. Quant au performeur Olivier Marbeuf, on ne le voit que sur le tout petit écran incarner le médecin interpellé et déstabilisé, puis lire une lettre qui dure trois fois trop longtemps, censée apporter un éclairage philosophique sur l’affaire.

Outre que cette séquence est fort peu théâtrale, les idées philosophiques véhiculées tiennent du lieu commun (« nul ne peut savoir ce qu’un malade va faire de sa maladie, le pouvoir médical ne doit pas confisquer le savoir sur le devenir des individus », etc.) avec lequel nous sommes tous d’accord, quand elles ne sont pas tout bonnement discutables. En effet, on ne peut qu’être en accord avec l’assertion selon laquelle personne n’a le droit de prédire l’avenir de quelqu’un. Mais affirmer a contrario que tous les malades atteints de ce mal, une fois passé le désert de la colère et de l’incompréhension, accèdent à une sorte de sérénité proche du bonheur est une généralisation hâtive et rassurante à bon compte qui clôt le bec à qui voudrait se plaindre de son sort.

Finalement, effectivement, tout cela fait réfléchir, mais ne provoque aucune des émotions que théâtre et danse doivent susciter, juste l’agacement d’une parodie de débat (qui se déroulera après le spectacle en bord de scène…). Pour terminer dans la légèreté, disons que Les Subsistances tenaient ce soir-là lieu de laboratoire ! 

Trina Mounier


Bons baisers de Huntingtonland

Conception : collectif Dingdingdong, institut de coproduction de savoir sur la maladie de Huntington

Avec : Anne Collod, Aurore Déon, Olivier Marbeuf, Valérie Pihet et Émilie Hermant

Texte : Émilie Hermant

Danse : Anne Collod

Vidéo : Fabrizio Terranova

Dramaturgie : Valérie Pihet

Scénographie : Alexis Bertrand, assisté de Manon Flament

Lumières : Sébastien Merlin

Son : Élisa Monteil

Photo : © Romain Étienne / Item

Collaboration artistique : Marie Piemontese

Accompagnement à la production : Ligne directe / Judith Martin

Résidence, création et coproduction : Les Subsistances à Lyon, La Briqueterie (C.D.C. à Vitry-sur-Seine)

Remerciements : Alice Wexler et les soleils qui ont inspiré ce spectacle : D. Paula, Suzanne et Anouck

Pour cette création, le collectif Dingdingdong a été en résidence aux Subsistances en juillet et novembre 2014

Les Subsistances • 8 bis, quai Saint-Vincent • 69001 Lyon

Réservations : 04 78 39 10 02

www.les-subs.com

Dans le cadre du festival Mode d’emploi

Du 27 au 29 novembre 2014, à 19 heures, le 30 novembre à 15 heures

Durée : 1 heure

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28 novembre 2014 5 28 /11 /novembre /2014 20:15

Ils s’amusent comme on se noie


Par Trina Mounier

Les Trois Coups.com


Il n’a que 18 ans lorsqu’il écrit « Platonov », et pourtant Tchekhov signe ici une œuvre crépusculaire que Rodolphe Dana met en scène avec la passion vivifiante d’un « possédé ».

platonov-615 jean-louis-fernandez

« Platonov » | © Jean-Louis Fernandez

Dans un domaine qui témoigne de sa splendeur passée, retirée à la campagne, une jeune veuve, Anna Petrovna, reçoit une dernière fois : les petits propriétaires du coin, un colonel à la retraite qui lui propose d’acheter à la fois sa personne et ses dettes, l’instituteur du village, Platonov, délicieusement scandaleux et provocateur, épouseur à toutes mains, mais encore ceux qui s’invitent là car la table est bonne et la porte ouverte. Tout un groupe qui gravite autour d’elle, parce qu’elle est belle, Anna Petrovna, et dans la fleur de l’âge, et libre. Et plus que tout, elle aime jouer, rire, s’amuser, séduire aussi… et tous, ici, ont autant envie de s’étourdir. C’est toute une société miniature en raccourci : des hommes, leurs épouses, des fils et leurs pères, des riches et des pauvres, des jeunes et des vieux.

À travers tout ce petit monde dont il brosse à grands traits les portraits, Tchekhov met en scène les tensions entre les sexes, entre les générations, entre les classes sociales, évoque les nouvelles conceptions révolutionnaires qui affleurent dans tout ce pourrissement. Tous les thèmes plus tard développés par l’écrivain sont concentrés et enchevêtrés, dans un texte un peu brouillon, bouillonnant et débordant d’idées. Mais c’est aussi ce qui lui confère une impression d’urgence, sa vigueur et sa jeunesse. On y trouve également cette âme russe faite d’excès, de nonchalance, de culpabilité narcissique, de religiosité, ce romantisme échevelé qui rappelle l’auteur des Possédés, nom du collectif qui interprète la pièce. La puissance de l’œuvre et son caractère contemporain, sa vivacité, relèvent beaucoup de la traduction formidable qu’André Markowicz et Françoise Morvan ont travaillée et retravaillée au plus près des acteurs, avec eux et pour eux, au fil des répétitions.

L’élégance du désespoir

Les douze comédiens du collectif sont déjà en scène lorsque le public entre dans la salle. Ils y resteront peu ou prou durant les trois heures et demie du spectacle. Le plateau est pratiquement nu, juste encombré d’objets disparates, un fauteuil que les vieillards occuperont à tour de rôle, une table d’échecs… Puis, tout l’art de la créatrice lumières : Valérie Sigward dessinera un jardin en arrière-plan sur la magnifique toile peinte tombée des cintres… Dans la dernière partie, un amas de papiers et un tas de chaises exprimeront la précipitation d’un départ, l’abandon et la fuite. Il faut dire que le décor s’en est allé avec le faste et les convenances bourgeoises.

Dans les deux premiers actes règne une légèreté à la fois artificielle et révélatrice qui n’est pas sans faire penser au Songe d’une nuit d’été : aucune conversation n’est suivie, on rit, on saute du coq-à-l’âne, on s’invective et surtout, on boit comme des trous. L’essentiel est d’oublier. Que la mort est proche, que les amours sont précaires, les hommes volages, les soucis d’argent prégnants. On s’ennuie ferme et l’on attend Platonov, ce « Hamlet local » qui trimballe sa beauté ténébreuse, son cynisme et son désespoir si excitants. Par les dissonances qu’il introduit, la vie s’immisce. Et tout le poids de cette attente passe en un clin d’œil tant la mise en scène est vigoureuse.

Dans la seconde partie, au milieu d’un décor chaotique de fin de règne, le drame se cristallisera : toutes les lâchetés, tous les mensonges, toutes les vilenies ressortiront comme autant de chancres. Platonov apparaîtra pour ce qu’il est : un homme qui joue de son charme pour cacher sa couardise, son incapacité à aimer, un don Juan sans envergure, et il va le payer de sa vie.

Une Anna Petrovna sensuelle et joyeuse

Rodolphe Dana prête à Platonov une complexité et une densité composées de provocation et de séduction. Différent, il divertit et attire. Venimeux, il irrite et fait sourire. Derrière lui traîne comme un parfum de mort. Quant à Emmanuelle Devos, elle incarne une Anna Petrovna sensuelle et joyeuse qui dissimule son amertume et son inquiétude sous le masque de la vie, qui s’amuse comme on se noie. On lui découvre ici une réelle présence. Elle semble avoir toujours fait partie de ce collectif, dans lequel elle se fond.

Ce n’est pas la moindre richesse de ce spectacle que d’évoquer pêle-mêle tant de grands écrivains, tant de grands auteurs de théâtre, mais légèrement, de manière subtile, fugace, presque intime, comme si ces références pouvaient s’adapter à la subjectivité de chacun. Du grand, du bel art dramatique, intense, énergique, juvénile, émouvant. 

Trina Mounier


Autres articles sur Les Possédés :

« Bullet Park », d’après John Cheever (critique), Théâtre de la Bastille à Paris

« Planète », d’Evguéni Grichkovets (critique), Théâtre de la Bastille à Paris

« Oncle Vania », d’Anton Tchekhov (critique), Théâtre de la Bastille à Paris


Platonov, d’Anton Tchekhov

Collectif Les Possédés • Le 39 • 39, rue Faidherbe • 75011 Paris

Claire-Lise Bouchon, administratrice

clairelise.bouchon@lespossedes.fr

Création collective dirigée par Rodolphe Dana

Traduction : André Markowicz, Françoise Morvan

Adaptation : Rodolphe Dana, Katja Hunsinger

Avec : Yves Arnault, Julien Chavrial, David Clavel, Rodolphe Dana, Emmanuelle Devos, Françoise Gazio, Antoine Kahan, Katja Hunsinger, émilie Lafarge, Nadir Legrand, Christophe Paou, Marie‑Hélène Roig

Assistant à la mise en scène : Inès Cassigneul

Scénographie : Katrijn Baeten, Saskia Louwaard

Créateur lumières : Valérie Sigward

Créateur costumes : Sara Bartesaghi Gallo

Production : collectif Les Possédés

Coproduction : Théâtre de Nîmes ; Théâtre Jean-Lurçat à Aubusson ; La Colline à Paris ; La Comédie de Clermont-Ferrand ; Le Bateau-Feu à Dunkerque ; Les Célestins à Lyon ; Le Grand T à Nantes ; L’équinoxe à Châteauroux ; Théâtre Olympia à Tours ; MA à Montbéliard ; Théâtre de Rungis ; La Passerelle à Gap ; Théâtre Firmin-Gémier - La Piscine

Avec le soutien de la S.P.E.D.I.D.A.M. et du fonds d’insertion de l’E.S.T.B.A.

Le collectif Les Possédés bénéficie du soutien de la direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France, ministère de la Culture et de la Communication

Le collectif Les Possédés est associé à la Ferme du buisson, scène nationale de Marne-la-Vallée, à la scène nationale d’Aubusson-Théâtre Jean‑Lurçat et au Théâtre de Nîmes

Les Célestins • 4, rue Charles-Dullin • 69002 Lyon

Réservations : 04 72 77 40 40

www.celestins-lyon.org

Du 25 novembre au 5 décembre 2014, à 20 heures, le dimanche à 16 heures, relâche les lundis

Durée : 3 h 30 avec entracte

35 € | 31 € | 20 € | 18 € | 17 € | 15 € | 10 € | 9 €

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27 novembre 2014 4 27 /11 /novembre /2014 20:13

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19 novembre 2014 3 19 /11 /novembre /2014 23:23

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18 novembre 2014 2 18 /11 /novembre /2014 21:41

Robert Lepage, l’alchimiste


Par Trina Mounier

Les Trois Coups.com


Les spectacles de Robert Lepage annoncent toujours un éblouissement. La recréation de « les Aiguilles et l’Opium », plus de vingt ans après, ravit.

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« les Aiguilles et l’Opium » | © Nicola Frank Vachon

C’est véritablement un enchantement dont nous sommes les victimes consentantes et éblouies. Car ce spectacle tient de l’alchimie, d’une combinaison parfaite entre un texte magnifique, lui-même composé de fragments alternativement poétiques et franchement drôles, et un dispositif scénique impressionnant, magique.

Sur un plateau qui va se teinter de toutes les nuances de gris entre blanc et noir, un immense cube suspendu dans les airs accueillera trois histoires : celle de Jean Cocteau, lui-même en plein ciel dans l’avion qui le ramène de New York ; celle de Miles Davis devenu la proie de l’opium ; celle d’un comédien québécois en visite à Paris, sorte d’alter ego de Robert Lepage lui-même.

Trois personnages (et bien d’autres : la lumineuse figure de Juliette Gréco ou celle, hypnotique, de Jeanne Moreau…), et seulement deux comédiens-acrobates qui évoluent, retenus par des fils invisibles dans un univers instable où verticalité et horizontalité n’existent pas. Le premier, Marc Labrèche, se livre à une démonstration époustouflante de ses talents d’acteur : irrésistiblement drôle, il est capable l’instant d’après d’évoquer la douleur, la solitude ou de passer derrière le miroir pour se balancer sur la lune…

Wellesley Robertson III, quant à lui, en trompettiste génial, trimballe son corps imposant et son instrument d’un espace et d’un monde à l’autre, avec une virtuosité qu’on découvrira sur le tard comme effet de prestidigitation : la musique est enregistrée et Wellesley Robertson III mime l’illusion de l’interprétation en direct. Tous deux font assaut de brio sans que celle-ci n’entache la sincérité, la spontanéité de leur jeu, ni l’émotion qui s’en dégage.

De l’autre côté du miroir

Le cube suspendu oscille, ses côtés se déploient, ils se referment sur une histoire, s’ouvrent sur une autre, découvrent une vue vertigineuse des gratte-ciel de New York, plongent dans l’intimité d’une chambre d’hôtel ou décrivent un studio d’enregistrement. Parfois, ils ne sont que des parois contre lesquelles les personnages se laissent tomber, recroquevillés dans la douleur.

Ce qui relie ces trois moments de vie qui font appel à des temporalités différentes (les années 1950 et les années 1990) et des espaces séparés par un océan (Paris-New York), c’est l’expérience vive du tourment, de la rupture amoureuse et de la recherche de l’apaisement, notamment grâce à l’opium qui donne accès à un monde débarrassé des contingences et de la logique, un univers qui explose en une multitude de dimensions. Ce qui réunit ces fragments, c’est la musique lancinante de Miles Davis et particulièrement celle qu’il a composée pour le film de Louis Malle, Ascenseur pour l’échafaud.

Trois œuvres s’entremêlent : la Lettre aux Américains de Jean Cocteau, où il dit son attachement et sa désillusion pour ce pays ; les savoureux monologues d’un Québécois à Paris aux prises avec une culture si radicalement différente ; les arrangements de jazz… De la poésie pure, de l’humour à éclater de rire, de la musique à vous arracher des larmes, un cocktail puissant aux ingrédients pleins d’arômes. Certaines scènes sont proprement surréalistes comme celle où Marc Labrèche se transforme en homme-orchestre.

Dans le train qui roule vers la mort, cet « ascenseur pour l’échafaud », l’amour et la douleur, la création aussi, sont les seuls éléments qui nous prouvent que nous sommes irréductiblement vivants. Les Aiguilles et l’Opium, par ce qu’ils charrient d’inventivité, de force émotionnelle et d’émerveillement, sont d’abord un hymne à la vie et à la création. 

Trina Mounier


Autres critiques des mises en scène de Robert Lepage :

« Jeux de cartes 1 : pique », de divers auteurs (critique), Les Célestins à Lyon

« Le Dragon bleu », de Marie Michaud et Robert Lepage (critique), Théâtre national de Chaillot à Paris

« Le Projet Andersen », de Robert Lepage (critique), Théâtre national de Chaillot à Paris


Les Aiguilles et l’Opium, de Robert Lepage

Mise en scène : Robert Lepage

Avec : Marc Labrèche, Wellesley Robertson III

Assistance à la mise en scène : Normand Bissonnette

Scénographie : Carl Fillion

Conception des accessoires : Claudia Gendreau

Musique et conception sonore : Jean-Sébastien Côté

Conception des éclairages : Bruno Matte

Conception des costumes : François Saint-Aubin

Conception des images : Lionel Arnould

Le texte comprend des extraits de Lettre aux Américains et Opium de Jean Cocteau

Agent du metteur en scène : Lynda Beaulieu

Direction de production : Julie Marie Bourgeois

Direction technique : Michel Gosselin

Direction de tournée : Catherine Desjardins-Jolin

Régie générale : Adèle Saint-Amand

Régie son : Marcin Bunar

Régie vidéo : Thomas Payette

Régie des éclairages : David Desrochers

Régie des costumes et accessoires : Claudia Gendreau

Chef machiniste : Pierre Gagné

Machiniste : Sylvain Belan

Gréeur : Julien Clerc

Consultant automation : Tobie Horswill

Consultante vidéo : Catherine Guay

Maquillage : Jean Bégin

Réalisation des costumes : Carl Bezanson, Julie Sauriol

Trompette interprétée par Craig L. Pedersen

Consultants acrobaties : Geneviève Bérubé, Yves Gagnon, Jean‑Sébastien Fortin, Jean‑François Faber

Construction du décor : Scène éthique, Astuce décors

Les Célestins • 4, rue Charles-Dullin • 69002 Lyon

Réservations : 04 72 77 40 40

www.celestins-lyon.org

Du 15 au 20 novembre 2014, à 20 heures, dimanche à 16 heures, relâche lundi

Durée : 1 h 35

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16 novembre 2014 7 16 /11 /novembre /2014 21:37

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